Adopter une posture bienveillante n’est pas toujours facile, nous faisons de notre mieux avec ce que nous sommes.
Si nous comprenons les liens entre notre comportement et la construction du cerveau d’un enfant et de sa vision du monde, que nous soyons parents ou éducateurs, nous sommes alors plus motivés pour changer les choses et adopter une posture bienveillante.
Je vous propose des explications, des preuves scientifiques, des pistes de réflexion et des outils pour vous accompagner.
Comment se construit la vision du monde d’un enfant ?
Le cerveau reptilien est mature dès la naissance.
Il est le siège de la mémoire archaïque (survie de l’espèce et peurs).
Comme l’unité centrale d’un ordinateur, notre cerveau intègre des programmes issus de notre environnement et de nos expériences.
Notre vision du monde se construit entre 0 et 10 ans. Non pas avec les expériences les plus agréables mais avec les expériences le plus souvent vécues.
Les informations circulent grâce à des neurotransmetteurs entre notre cerveau (unité centrale) et notre système nerveux (unité périphérique).
Elles sont captées par notre moelle épinière, nos cellules, nos 5 sens, … et notre cerveau apporte la réponse qui lui paraît le plus adaptée possible en fonction de notre vision du monde.
Si ce système nerveux est équilibré : la réponse est adaptée, si non, il s’agit d’un réflexe archaïque, souvent dirigé par les peurs.
Une des conditions essentielles au bon développement du cerveau d’un enfant est la construction de la sécurité intérieure entre 0 et 2 ans.
Le lien est également fait avec la motricité libre : la liberté de mouvement dès tout petit dans un environnement sécurisant permet à l’enfant :
- de développer son plein potentiel,
- et d’intégrer des réflexes archaïques pour atteindre son autonomie corporelle et psychique.
Il est à noter que notre système nerveux se met en place dès la fécondation et est donc sensible aux émotions ressenties pendant la grossesse.
On peut ensuite parler de « big bang neuronal » au 18ème jour de grossesse, le cerveau est viable au 5ème mois et sera mature à l’âge de 25 ans.
Plasticité cérébrale et libre arbitre
Il est toujours possible de modifier un programme grâce à notre plasticité cérébrale, notamment en répétant les expériences.
Excellente nouvelle : notre cerveau peut se reconfigurer toute la vie !
Ce qui signifie qu’il est toujours temps d’adopter une posture bienveillante.
Face aux évènements vécus, chaque enfant a son libre arbitre, sa part de responsabilité en lien avec sa perception des choses, ce qui fait notre unicité.
« Tu dois devenir l’homme que tu es. Fais ce que toi seul peux faire. Deviens sans cesse celui que tu es, sois le maître et le sculpteur de toi-même.«
Friedrich Nietzsche
Que disent les neurosciences ?
Les recherches en neurosciences affectives et sociales nous apportent les preuves scientifiques du bien-fondé d’une posture bienveillante à l’enfant.
Les chercheurs :
- Nim Tottenham une des figures de la recherche en neurosciences affectives du développement du cerveau de l’enfant et de l’adolescent et notamment sur les effets désastreux du stress dans les premières années de vie de l’enfant.
- Sarah Whittle elle aussi, s’intéresse de près au neurodéveloppement affectif social chez les enfants et les adolescents. Elle affirme que quand la mère a une attitude chaleureuse et soutenante, elle agit positivement sur le développement du cortex orbito-frontal.
- Anne-Laura van Harmelen étudie le lien entre la maltraitance émotionnelle des enfants, en fonction de leur âge, et les troubles de santé mentale. Elle nous dit que la maltraitance émotionnelle diminue le volume du cortex orbito-frontal.
- Malin Björnsdotter a notamment publié sur la relation entre les caresses cutanées douces au cours des premières semaines de vie du nourrisson et le développement précoce du cerveau chez l’homme.
- Bruce Mc Ewen est l’auteur de plus de 700 publications sur les effets du stress sur notre cerveau. Il a notamment dit, concernant les enfants :
“Un environnement stressant au début de la vie a des effets robustes sur le cerveau en développement dont certains perdurent au cours de la vie entière de l’organisme. »
« Le stress induit une diminution de la création de nouveaux neurones dans des zones comme l’hippocampe (associé à la mémoire) et une altération des neurones dans ces zones (notamment une rétraction des dendrites neuronales).«
Bruce Mc Ewen
- Joan Luby, s’intéresse aux neurosciences affectives du développement particulièrement chez les enfants d’âge préscolaire. Elle déclare que si le parent soutient son enfant quand il est petit, son hippocampe augmente de volume.
- Michaël Meaney, chercheur à Montréal en épigénétique affirme que le maternage ou le stress émotionnel peut modifier l’expression des gênes : le maternage renforce l’aptitude à faire face au stress émotionnel et améliore la mémoire et l’apprentissage en densifiant les connexions de l’hippocampe, alors que le stress a l’effet inverse.
- Nancy Eisenberg, professeur et chercheur en sciences de l’éducation en Arizona, confirme par ses recherches que plus l’enfant vit des expériences d’empathie, plus il devient sociable et moins il développe des comportements agressifs et antisociaux.
Leurs conclusions :
La peur et la violence sont nocives au développement du cerveau de l’enfant.
Alors que le soutien, l’affection, la coopération, l’empathie, la sécurité permet à l’enfant de développer pleinement ses capacités d’apprentissage, d’être en bonne santé et d’avoir un comportement adapté.
Enfin, la production d’Ocytocine, la molécule de l’amitié et de l’amour, générée par les soins, l’allaitement, les câlins, l’écoute… les aide à percevoir leurs émotions, procure du bien-être, diminue le stress et l’anxiété et favorise l’empathie.
Une relation proche, chaleureuse, soutenante et sécurisante pour un enfant lui permet de sécréter de l’Ocytocine, de la Dopamine, des Endorphines et de la Sérotonine.
Ces hormones augmentent ses compétences sociales, empathiques, son estime de lui, sa motivation dans les apprentissages et son bien-être physique et émotionnel.
Alors que le stress boque la sécrétion de ces molécules.
De plus, si le stress émotionnel se prolonge, il a un effet désastreux sur la mémoire et les apprentissages.
En effet, le Cortizol sécrété agresse les neurones de l’hippocampe, freine leur multiplication, en diminue le nombre et peut même les détruire.
La reliance sociale est la clé de voute de la construction de notre intelligence : c’est une des lois de la vie qu’il nous faut maintenant connaître et respecter.
Céline Alvarez
Pourquoi exprimer ses émotions ?
Nommer ce qu’on ressent calme l’amygdale cérébrale (le siège de la peur) et permet de prendre du recul par rapport à la situation et ainsi modifier les circuits neuronaux et l’impact émotionnel.
Chez l’enfant, le cortex préfrontal et les connexions avec le cerveau émotionnel ne sont pas encore matures, il n’a pas les capacités de réguler ses émotions.
Les tempêtes émotionnelles qu’il subit sont normales, elles sont dues à l’immaturité de son cerveau.
Lorsqu’un enfant se sent en danger ou qu’un de ses besoins n’est pas satisfait, son cerveau archaïque et émotionnel domine.
Il faut attendre entre 5 et 7 ans pour que le cortex préfrontal et le cortex orbito-frontal commence à maturer.
Ce développement se fera d’autant plus facilement si l’entourage de l’enfant est empathique, sécurisant, soutenant, l’apaise lors des tempêtes émotionnelles et les accueille ou l’aide à les exprimer.
Pendant cette maturation du cerveau, au niveau des lobes frontaux et des circuits cérébraux, l’enfant a besoin d’être accompagné.
Un enfant qui n’est pas accompagné durant cette phase risque d’avoir des comportements violents en réaction aux tempêtes émotionnelles qu’il subit telles que crier, taper ou mordre.
Les neurones miroirs
L’imitation est un facteur très important dans le développement de l’enfant.
L’adulte se doit d’avoir un comportement exemplaire avec les enfants.
Faire preuve de violence avec un enfant, ce n’est pas seulement lui donner un mauvais exemple, c’est aussi mépriser les droits fondamentaux des personnes plus petites et plus faibles que soi.
La violence éducative
« La violence n’est pas innée chez l’homme. Elle s’acquiert par l’éducation et la pratique sociale. »
Françoise Héritier
La violence éducative dite « ordinaire » (châtiments corporels, violences verbales, moqueries, insultes ou humiliations) est interdite en France seulement depuis le 10 juillet 2019.
Elle a pourtant de nombreuses répercussions sur le développement d’un enfant :
- elle renforce l’agressivité qui est alors apprise par l’imitation d’un modèle contradictoire qui interdit de frapper mais qui frappe lui-même,
- lorsqu’elle est utilisée à des fins d’apprentissages, l’enfant associe dans son esprit la douleur avec le savoir et cela peut produire une aversion pour les études au lieu de lui donner le goût d’apprendre,
- elle dégrade la qualité de la relation enfant-parent ou enfant-éducateur et l’enfant n’est alors plus à même d’intérioriser et d’appliquer les consignes données.
Une thèse de médecine sur les conséquences de la violence éducative
Vous pouvez lire une thèse de médecine, disponible sur le site OVEO (Observatoire de la Violence Educative Ordinaire), qui fait le point sur les conséquences de « la violence éducative ordinaire ».
Un extrait ci-dessous :
« Du fait de son immaturité neurologique, l’enfant exposé à des violences, même jugées « minimes » par les adultes, est plus vulnérable à leurs conséquences psychotraumatiques, et cela d’autant plus qu’elles proviennent de personnes représentant à ses yeux amour et
protection, telles que ses parents. Cette sidération s’accompagne d’une paralysie du cortex préfrontal et de l’hippocampe, empêchant l’enfant de mobiliser sa mémoire, ses apprentissages, mais aussi de moduler la réponse émotionnelle de son amygdale cérébrale
dont l’hyperactivité stimule la sécrétion d’adrénaline et de cortisol par l’organisme. Afin de protéger l’organisme de ce stress intense, un mécanisme de sauvegarde neurobiologique s’enclenche pour court-circuiter l’amygdale cérébrale et éteindre la réponse émotionnelle. Cela est permis par la production d’endorphines par l’hypophyse et la substance grise périaqueducale, et d’antagonistes des récepteurs NMDA du système glutamatergique dont l’effet kétamine-like est dissociant. L’enfant se retrouve brutalement en état d’anesthésie émotionnelle entrainant une dissociation traumatique à l’origine de troubles de la mémoire sous la forme d’une mémoire traumatique : la dissociation empêche le traitement et la transformation de la mémoire émotionnelle en mémoire autobiographique par l’hippocampe. Ces processus ne permettent donc pas d’apprentissage ni d’analyse mais engendrent, à défaut, des circuits de conditionnement.
Cette mémoire traumatique est à l’origine d’une culpabilité durable, d’une perte de l’estime de soi, d’un sentiment d’insécurité et de stress qui marque l’individu tout au long de sa vie. »
Comment adopter une posture bienveillante ?
Adopter une posture bienveillante n’est pas toujours facile.
Essayons de sortir de la relation dominant/dominé, faisons preuve de créativité pour inventer de nouvelles et belles relations avec les enfants, sans gagnant, ni perdant.
Coconstruisons ensemble des accords qui respectent les besoins de chacun.
Pour vous aider, vous pouvez :
- Etre à l’écoute de vos besoins et de ceux des enfants,
- Adopter la Communication Non Violente au service de l’éducation : vous pouvez lire Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) de Marshall B. Rosenberg ou suivre une formation (j’ai commencé comme ça !).
- Rejoindre une communauté facebook qui partage vos intentions éducatives, comme par exemple : Parentalité respectueuse – Accompagnement conscient et positif,
- Aller faire un tour sur le site de Catherine Dumonteil Kremer, pionnière du soutien à la parentalité créative,
- Lire des livres qui vous correspondent, comme par exemple :
- Vous faire accompagner par un professionnel qui saura répondre à vos besoins. Pour ma part, je propose par exemple des ateliers familles aux particuliers ou des interventions de sensibilisation à la posture bienveillante auprès des professionnels.
Saisissons cette chance de grandir avec les enfants !
« Vous dites : c’est fatigant de fréquenter les enfants. Vous avez raison.
Janusz Korczak
Vous ajoutez : parce qu’il faut se mettre à leur niveau, se baisser, s’incliner, se courber, se faire petit.
Là, vous avez tort.
Ce n’est pas cela qui fatigue le plus.
C’est plutôt le fait d’être obligé de s’élever jusqu’à la hauteur de leurs sentiments.
De s’étirer, de s’allonger, de se hisser sur la pointe des pieds.
Pour ne pas les blesser. »
N’hésitez pas à me faire part de vos questions ou suggestions.
Nous pourrons échanger librement sur ce sujet lors du salon de la parentalité à Aix les Bains les 14 et 15 novembre prochain.
Soit sur mon stand tout au long du week-end, soit lors de l’atelier d’expérimentation d’un outil de Communication Non Violente qui aura lieu le dimanche matin.
Bien à vous,
Christelle Mancuso